Une étude réalisée par
Résumé
L’Union Européenne s’est fixé un objectif ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre de -55% en 2030 par rapport aux émissions de 1990 tout en souhaitant conserver un rythme annuel de croissance économique significatif. Cet objectif et la stratégie du Pacte Vert Européen associé, requiert un découplage absolu entre les émissions de gaz à effet de serre et la croissance du PIB dans la durée, c’est-à-dire une croissance du PIB combinée à une réduction significative des émissions. Une littérature scientifique déjà abondante a montré qu’un tel découplage avait été très rarement observé, et même jamais dans le cas de pays avec des économies matures tels que les pays de l’Ouest de l’Europe.
Nous proposons dans cette étude d’analyser en détail les raisons de cet absence de découplage avec les cas spécifiques de l’Union Européenne des 28, et des 10 pays les plus émetteurs en faisant partie, en se concentrant sur 3 périodes temporelles spécifiques : 1990-2006, 2007-2014 et 2015-2018. Ce découpage permet de montrer que seule la période 2007-2014 présente une diminution significative des émissions de CO2. Cette diminution sur 8 ans représente plus de 80% de la diminution des émissions depuis 1990. Cette période correspond également à la période avec la croissance du PIB la plus faible.
Dans le but d’expliciter les spécificités de cette période, et de mieux comprendre les mécanismes sous-jacents à la diminution des émissions, nous appliquons l’équation de Kaya. Cette équation permet d’évaluer l’impact de plusieurs paramètres sur les émissions de CO2 : la population, le PIB par habitant, l’intensité énergétique du PIB et le contenu en CO2 de l’énergie.
Notre analyse montre que la croissance du PIB par habitant joue un rôle de frein sur la réduction des émissions entrainée par les réductions de l’intensité énergétique du PIB et du contenu en CO2 de l’énergie. Ces 2 facteurs ont aujourd’hui un impact trop faible pour permettre d’atteindre l’objectif fixé pour 2030, impact d’autant plus amoindri dès que la croissance du PIB dépasse 1%. Il faudrait concrètement que l’impact sur la diminution des émissions de CO2 de l’intensité énergétique du PIB soit multiplié par 3 par rapport à son niveau des 30 dernières années. Alternativement, il faudrait que l’impact sur la diminution des émissions de CO2 du contenu en CO2 de l’énergie soit multiplié par 4.
L’ensemble des résultats présentés dans cette étude mette en doute la stratégie actuellement appliquée par l’Union Européenne, et nécessite de revoir plus en profondeur notre système socio-économique. C’est aujourd’hui la condition nécessaire à l’atteinte d’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui permettrait d’espérer maintenir le réchauffement climatique en dessous de +2°C.